Mais pourquoi donc la consommation d’un type de molécule de graisse augmentait le risque de DMLA jusque dans les années 2000… et semble n’avoir plus d’effet aujourd’hui ? Un sacré paradoxe que viennent d’expliquer le plus simplement du monde des chercheurs de l’Université d’Harvard.
La molécule en question fait partie de la grande famille des oméga 3, au centre de toutes les attentions en termes de prévention de la DMLA, les pouvoirs publics (Agence nationale de sécurité sanitaire) recommandant même des quantités minimales de consommation dans ce but préventif pour certains oméga 3. Le petit nom de l’individu au centre de ce paradoxe : l’acide alpha-linolénique, plus connu sous le diminutif d’ALA.
Un même acide gras, mais deux configurations dans l’espace
Pour comprendre un peu mieux le fond de l’affaire, reprenons nos cours de chimie. Les oméga 3, et donc l’acide alpha -linolénique ou ALA étudié par ces chercheurs, existent en deux versions, en fonction de leur conformation dans l’espace :
– une conformation appelée cis ;
– et une configuration dite trans.
De manière schématique,
– les acides gras cis correspondent à des configurations produites naturellement par les organismes vivants ;
– tandis que les configurations trans peuvent aussi avoir une origine technologique ; ils apparaissent dans les procédés agro-alimentaires d’hydrogénation des huiles végétales qui permettent notamment de transformer l’huile (liquide) en margarine (solide).
Or, la distinction chimique cis / trans s’avère essentielle car elle se traduit par des répercussions biologiques importantes : un même acide gras n’exprime pas les mêmes propriétés selon sa configuration spatiale.
Les effets délétères de l’ALA trans… mais pas de l’ALA cis
Les chercheurs de l’Université d’Harvard qui ont étudié les relations entre la consommation d’ALA et le risque d’apparition de DMLA ne s’y sont pas trompés. Ils ont observé que le risque de DMLA (stade intermédiaire) était plus élevé chez les personnes présentant de forts apports en ALA… mais seulement jusqu’au début des années 2000. Or, ce résultat collait parfaitement avec la présence accrue de la forme trans de l’ALA avant 2002, à la fois dans les prélèvements sanguins des participants et dans leur alimentation. Car ce n’est que dans les années 2000 que, s’inquiétant des effets sur la santé de ces acides gras trans, la législation a demandé aux industriels de l’agro-alimentaire d’en réduire les taux dans les aliments. Comme le dit l’adage (et le confirment ces scientifiques), le diable est dans les détails… de la conformation spatiale !
Source : Wu J, Cho E, Giovannucci EL, Rosner BA, Sastry SM, Schaumberg DA, Willett WC. Dietary intake of α-linolenic acid and risk of age-related macular degeneration. Am J Clin Nutr. 2017 Jun;105(6):1483-1492.